Le largeot : l’histoire d’un pantalon un peu spécial

Le largeot : Ce pantalon si spécial, le largeot, notre équipe le connaît sous toutes ses (triples) coutures.

Cet article en forme de déclaration d’amour va peut-être vous surprendre, mais comme pour beaucoup, le largeot est, pour l’équipe Largeot & Coltin, bien plus qu’un simple pantalon de travail, c’est un symbole porteur de valeurs fortes, un témoin de notre histoire et une véritable machine à remonter le temps.

Il n’est pas le fruit d’une innovation majeure comme le rivet pour les jeans, il n’a pas de membrane GoreTex à la pointe de la technologie, pas de puce connectée qui vous indique la meilleure position mais le largeot est résistant, confortable, chaud et il vous permet même d’adopter les bonnes postures. Certes, sa forme est étrange car le largeot est né par nécessité, pas pour être beau, et c’est justement pour ça qu’on l’aime.

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L’apparition du largeot

On ne peut cantonner le largeot à une apparition soudaine, résultant de l’idée spontanée d’un homme, mais plutôt le voir dans un contexte historique, issus d’événements, de comportements sociaux et sociétaux qui évoluent dans le temps, apportant petit à petit des changements sur l’apparence vestimentaire globale. Ces changements s’opèrent lentement, se déplaçant sur les territoires, concernant de plus en plus de monde, développant des particularités par région géographique avant de trouver un équilibre plus global à l’échelle d’un pays. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les largeots français et allemands sont si différents.

Il faut songer qu’il est assez moderne de porter les pantalons slim. Les pantalons ont toujours été, depuis les braies de nos ancêtres les Gaulois, des vêtements amples. Seule la technologie des matières synthétiques nous a permis de développer les tissus élastiques permettant de porter les pantalons près du corps de façon confortable.

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Il ne faut évidemment pas oublier que les modes de consommation ont aussi beaucoup évoluées : pas question de fast fashion avant le XXIe siècle. Pendant des centaines d’années, le vêtement fait partie des biens d’une famille qui sont transmis de génération en génération. Avant l’avènement des procédés de mécanisation ou d’automatisation des métiers à tisser en 1748, le tissu a toujours été un bien luxueux, car nécessitant beaucoup de main d’œuvre. Aussi, dans les familles modestes, on faisait rarement des vêtements neufs et on évitait de couper le tissu au maximum. Les pantalons larges pouvaient être ajustés plusieurs fois en longueur ou en largeur.

D’autre part, on achetait des tissus relativement grossiers, lourds qui coûtaient moins chers que des étoffes fines plutôt utilisées par la bourgeoisie. L’avantage des tissus épais est bien entendu leur solidité, ils pouvaient vivre au moins aussi longtemps que la personne qui les portaient.

On retrouve donc deux caractéristiques du largeot qui sont issues en partie de la façon de voir les choses pour les franges de populations de paysans ou d’artisans bien avant les années 1900 : la coupe large d’une part, et une matière solide et durable d’autre part. 

La coupe du largeot vient donc en partie de cette composante que l’on pourrait qualifier de mode, des pantalons portés amples.

Résultat de la Révolution française

Le pantalon en tant que tel, vit ses débuts en Europe au XVIe siècle, dans des formes assez éloignées de celles qu’on connaît aujourd’hui. On l’a ensuite fait évoluer de façon constante jusqu’aux alentours de la Révolution française, durant laquelle il devient un symbole politique, vêtement simple et sans atours, caractéristique du vêtement du peuple, moqué par la bourgeoisie et la noblesse. À partir de 1789, le pantalon devient le symbole des “Sans-culotte” (culotte n’étant pas un sous-vêtement ici, mais un vêtement de dessus, sorte de pantacourt porté avec des bas et symbole des classes aisées – aussi appelées Haut-de-chausses au XVIIIe siècle).

Après la période de la Révolution, qui se termine en 1799, le pantalon continue de prendre de l’ampleur dans les vestiaires. 30 ans plus tard, il est accepté comme vêtement de ville standard (pour les hommes).

Entre 1830 et 1900 les coupes changent beaucoup pour les pantalons de ville, mais très peu pour le vestiaire ouvrier et paysan, pour qui elles restent amples et montent haut, sous les côtes : une troisième composante du largeot tel qu’on le connaît aujourd’hui.

Résultat de la Révolution Industrielle

La fin du XIXe siècle marque le début de la Révolution Industrielle en France. De nouveaux modes de consommation émergent, les façons de travailler aussi : c’est l’essor des industries et du machinisme.

C’est donc à cette période, en 1896, qu’Adolphe Lafont, un tailleur Lyonnais, commercialise pour la première fois le largeot, mot qui définit dans le langage populaire un pantalon large et haut. 

L’industrie du coton est l’une de celle qui est favorisée par la Révolution Industrielle, et plus globalement celle du textile qui profite rapidement des besoins induits par les autres industries qui nécessitent des uniformes pour leurs ouvriers. La division du travail, au cœur de cette Révolution, met en exergue les métiers différents et les besoins adéquats en vêtements, adaptés à chacun.

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Des entreprises vont alors pour la première fois se spécialiser dans le vêtement de travail, qui étaient jusqu’alors composés de vêtements simples portés la semaine en opposition aux beaux habits “du dimanche”. On voit naître le bleu de chauffe, le bleu de travail et tout un pan du marché du vêtement dédié au travail.

Le largeot : une évolution logique du pantalon

Pour beaucoup, Adolphe Lafont est le « papa » du largeot, ce qui n’est pas tout à fait juste, car il existait bien avant lui. En réalité, Adolphe Lafont est le premier à le commercialiser de façon industrielle, profitant de la conjoncture économique pour faire grandir sa gamme et son entreprise. Grâce au développement entre autres de la salopette, brevetée en 1896, la marque Lafont devient, la même année, la première marque de vêtements professionnels en France.

Initialement, le largeot était juste le pantalon des artisans, ouvriers ou paysans le plus adapté à leurs activités quotidiennes. Ce vêtement dans lequel ils se sentaient bien pour travailler était généralement fabriqué à la main par la mère ou la femme de l’ouvrier, pendant que lui taillait ses sabots. C’était aussi une demande classique faite aux tailleurs, avec un cahier des charges favorisant l’amplitude des mouvements.

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Ce simple pantalon a évolué avec le temps et les artisans. Dans un souci pratique, on lui a ajouté les poches nécessaires au travail, avant qu’il soit choisi par les Compagnons comme “uniforme” pour cet évident aspect immémorial et traditionnel qui leur est cher.

Le largeot maintenant

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Le largeot français existe sous différentes formes, six au total, mais la plus plébiscitée reste la coupe demi-ballon. Très arrondi de forme, il est large sur la cuisse, jusqu’au mollet et resserré autour de la cheville, évitant les accidents et les chutes. Traditionnellement il est taille haute, porté avec des bretelles à boutons ou une ceinture en tissu permettant de protéger le dos. Une patte de serrage dans le creux des reins permet d’ajuster le largeot et sert aussi aux charpentiers et couvreurs à tenir leurs marteaux. Deux grandes poches devant et une poche sur la cuisse permettant à l’artisan d’avoir mètre et crayon à portée de main. Enfin, au niveau de la ceinture, on retrouve cette toute petite poche, appelée gousset (le gousset en textile désigne une petite poche) on y place une montre mais aussi craie ou gousse d’ail pour soulager les piqûres d’insectes.

Autrefois, les critères du vêtement de travail étaient les mêmes que les vêtements de ville, c’est-à-dire que les hommes portaient avec leurs pantalon une chemise, un gilet tailleur et une veste de type tailleur avec un col plat ou un col chevalière.

Un pantalon un peu spécial

Aujourd’hui, le largeot est pour nous un symbole du travail à l’ancienne, un témoin historique de la façon de faire d’autrefois. Il nous rappelle l’œuvre du temps qui passe, dont les effets ne font qu’ennoblir les réalisations traditionnelles. Qu’il s’agisse du travail de nos aïeux ou des habits qu’ils portaient.

Même si l’habit ne fait pas le moine, porter un largeot en 2022 est un hommage à ceux qui nous ont précédés, grand bâtisseur, génie des arts ou petites mains qui ont contribué à faire du monde ce qu’il est à présent.  Mais, outre la nostalgie, porter le largeot c’est aussi s’inscrire humblement dans cette tradition du travail bien fait, des réalisations qui traversent les âges, un moyen de s’approprier un peu de cette immortalité et de laisser son empreinte dans l’histoire.

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Alors bien sûr, il a au premier abord un aspect étrange, mais quand on apprend à le connaître et qu’on déroule le fil de son histoire, immédiatement il devient un peu plus qu’un simple pantalon trop large.

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