À la rencontre d’un charpentier à la hache

Le métier ancestral de charpentier à la hache n'est patiqué aujourd'hui en France que par une dizaine d'artisans. Largeot & Coltin s'est rendue aux Ateliers Perrault pour rencontrer Matteo Pellegrino, l'un d'entre eux. En plus de son rôle de chef de chantier pour la construction de la charpente de la cathédrale Notre-Dame de Paris, Matteo exerce également son propre métier de charpentier à la hache dans son atelier situé dans le département du Var.

Qu'est-ce que le métier de charpentier à la hache ?

Lors de notre rencontre, Matteo Pellegrino a pris le temps de nous éclairer sur la nature du métier de charpentier à la hache et de nous expliquer ce qui les distingue des autres charpentiers.

La principale différence entre un charpentier à la hache et un charpentier réside dans leur approche du travail à la main. Cette proximité avec le bois permet d’obtenir une précision particulière en l’analysant et en le touchant. Il est ainsi en mesure de suivre le fil du bois pour respecter un maximum sa nature. Le travail du bois s’effectue généralement avec la matière vivante, un bois vert qui continue d'évoluer au sein la structure. Cela requiert de lecture et de l’observation pour permettre au bois d'évoluer en harmonie avec le reste du bâtiment.

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Quel a été son parcours ?

Matteo Pellegrino n'a pas immédiatement choisi de devenir charpentier. Il s'est d'abord lancé dans des études commerciales qui ne l'enthousiasmaient guère. C'est alors qu'il décide de partir voyager pendant quatre mois en Amérique du Sud. Là-bas, il commence à travailler le chaume et apprend aux côtés d'un artisan à être un "paysan de la matière", comme il aime le décrire. Pendant son voyage, il découvre également le travail du bois. De retour en France, il décide de poursuivre sa formation et installe son propre petit atelier dans le Var.

Le métier de charpentier à la hache l'a séduit par sa simplicité. Il préfère l'authenticité à la technologie, laissant de côté les machines dernier cri. Aujourd'hui, il travaille dans une petite scierie avec un vieux manitou âgé de 30 ans, parfois un peu capricieux, confie-t-il. Mais c'est ce qui fait tout le charme de l'ancien.  

Il nous a ensuite expliqué l'utilisation des outils traditionnels et les différentes étapes du travail du bois avant la construction de toute structure.

Quels outils utiliser pour préserver des savoirs faire ancestraux ?

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Lors de chantiers exceptionnels, tels que la reconstruction de la charpente de Notre-Dame, les ouvriers ont la chance d'avoir accès à des outils ancestraux rares, quasiment introuvables à la vente de nos jours. Certains de ces outils remontent même au XIIe siècle. Cependant, avec l'apparition d'outils plus pratiques en termes d'utilisation et d'entretien, leur utilisation s'est considérablement réduite. Les outils ancestraux exigent en effet une attention particulière. Par exemple, la doloire, une hache utilisée pour l'équarrissage des grumes, peut nécessiter plusieurs heures d'affûtage par jour.

L'affûtage du matériel peut être une tâche contraignante pour les charpentiers, mais c'est aussi une occasion pour eux de prendre soin de leurs outils.

Les charpentiers à la hache sont très attachés à leurs outils et les traitent avec autant de précaution que la prunelle de leurs yeux. Matteo nous confie même qu'ils leur donnent des petits surnoms affectueux. Une fois les outils sélectionnés, il ne reste plus qu'à choisir le bois dans la forêt.

Comment sélectionner le bois ?

Matteo nous guide à travers les différentes étapes de sélection des arbres. Avec l'aide d'un forestier et d'un bûcheron, il effectue trois sélections pour garantir la qualité des grumes avant de commencer le travail d'équarrissage. Il souligne que les arbres possèdent des qualités variées qui correspondent plus ou moins à certains projets. Malgré les trois sélections, des surprises peuvent toujours survenir.

La première sélection se déroule directement en forêt. Le charpentier, le forestier et le bûcheron étudient ensemble les meilleurs choix en fonction du projet. Plusieurs critères de sélection sont pris en compte, tels que la phase lunaire et la rectitude du bois.

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Ensuite, une deuxième étape de sélection se déroule au sol, ce qui permet de confirmer ou non la première sélection. On mesure la dimension du tronc à l'aide d'un mètre et on évalue le diamètre à l'aide d'un compas.

Enfin, une dernière sélection est effectuée une fois les arbres arrivés à l'entrepôt. On vérifie alors la santé du bois. Tout comme les humains, les arbres peuvent souffrir de maladies ou de blessures, il est donc essentiel de les vérifier avant la construction de la charpente pour s'assurer de la fiabilité du bois. Un examen complet est réalisé pour détecter d'éventuels défauts de l'arbre. Lors de cette vérification, Matteo examine la qualité du bois en fonction des conditions météorologiques, qui peuvent laisser des marques telles que des roulures.

Une attention particulière est également accordée au cœur du bois, qui doit être positionné au centre de la poutre. L'avantage de travailler à la main est de pouvoir suivre le fil du bois, évitant ainsi de perturber sa structure et de prévenir toute déformation future. Une fois cette vérification terminée, le bois est prêt à passer à l'étape suivante : l'équarrissage.

Qu’est-ce que l'équarrissage du bois ?

L'équarrissage du bois consiste à transformer un morceau de bois rond en une pièce de forme carrée, généralement une poutre.

À l'aide d'une hache à blanchir, les charpentiers commencent par dégrossir la grume afin d'obtenir une surface propre. Lorsqu'il s'agit d'équarrir le bois, Matteo nous explique qu'il n'y a pas de règles strictes à suivre. Chaque charpentier est libre d'adopter sa propre méthode en fonction de ses préférences ou des exigences du projet. Certains préfèrent utiliser la hache pour équarrir les quatre faces, comme à l'époque médiévale, tandis que d'autres laissent deux faces brut de sciage. Pour réaliser un équarrissage, il est nécessaire d'enlever environ 2 mm de bois sur chaque face afin d'obtenir une apparence bien équarrie.

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Autrefois, l'équarrissage était réalisé à l'aide d'une doloire, qui a donné son nom au métier de "doleur". Ce métier peu connu du grand public était spécifiquement dédié à l'équarrissage des grumes. Aujourd'hui, ce métier a disparu et ce sont les charpentiers qui se chargent de cette tâche, demandant précision et rigueur. Bien que la doloire ait prouvé son efficacité, il est malheureusement rare de trouver cet outil dans les entrepôts de nos jours. L'arrivée de l'industrialisation et des machines d'équarrissage a progressivement conduit à la disparition du métier de doleur. La plupart des entrepôts ont opté pour l'utilisation de machines d'équarrissage, mais certains, comme les Ateliers Perrault, ont choisi de perpétuer le travail manuel en utilisant une doloire.

Une fois l'équarrissage terminé, il ne reste plus qu'à assembler les poutres entre elles, un peu comme dans la construction de Lego, en les emboîtant les unes dans les autres et en les fixant à l'aide de vis.

Le métier de charpentier à la hache est atypique, peu exercé en France. Il s’agit pourtant d’un métier qui se porte vers l’avenir en se basant sur la préservation et le respect de la nature, en travaillant des matières premières de proximité. Des pratiques ancestrales sont toujours utilisées pour permettre au bois d’être travaillé avec le plus grand respect possible. Pratiqué par un petit nombre de personnes, ce savoir-faire pourrait alors disparaître. Alors si vous avez envie de construire avec vos mains, de participer à la préservation des savoirs faire et que vous êtes motivé, pensez au métier de charpentier à la hache.

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